Auto-objectificationEn psychologie sociale, le concept d' auto-objectification (plus rarement ditauto-objectivation), décrit les situations où une personne se considère comme un « objet » observé ou prêt à être utilisé par un tiers. De manière générale, une personne est dite « objectifiée » quand elle est traitée comme objet. Mais sous l'apparente simplicité de ce concept, coexistent différentes manières de « traiter le corps ou une personne comme un objet »[1]. La notion d'auto-objectification a notamment été développée par Barbara Fredrickson (Enseignante-chercheuse en psychologie et neurosciences à l'Université de Caroline du Nord) et Tomi-Ann Roberts (Enseignante-chercheuse en Psychologie à l'Université du Colorado) dans un article scientifique en 1997 (initialement sous le nom de théorie de l'objectification) pour expliquer l'impact de l'objectification sexuelle sur la santé mentale des femmes[2],[3], mais il peut aussi concerner des hommes. On parle d'objectification sexuelle quand tout ou partie du corps d'une femme, ou ses fonctions sexuelles sont séparées de sa personne, réduites au statut de simple instrument, ou considérées comme si elles étaient en mesure de la représenter[4]. Cette réification peut amener les femmes à intérioriser le regard d'autrui sur elles-mêmes, un phénomène que Fredrickson et Roberts qualifient d'« auto-objectification ». Cette auto-objectification pousse ces femmes à contrôler leur apparence, par exemple par l'habillement, l'épilation, le maquillage, le contrôle alimentaire, ou encore l'exercice physique. Cela permettrait d'influencer la manière dont les autres les traitent, et donc d'améliorer leur qualité de vie. L'auto-objectification est plus ou moins marquée selon la personne et selon le moment de sa vie. Dès lors, elle est parfois considérée comme un trait de personnalité. Elle peut être induite par le contexte. Ainsi, être en maillot de bain sur une plage, être photographié, se voir dans une glace ou se sentir observée et sexualisée peut susciter un état d'auto-objectification (« De quoi ai-je l'air ? ») ; dans ce cas, elle est considérée comme un état. Dans ces contextes, l'auto-objectification peut :
Ceci peut, selon Fredrickson et Roberts, dégrader leur santé mentale et sexuelle, dont en favorisant la dépression, des troubles des conduites alimentaires et des troubles sexuels. Cette théorie est notamment développée par la littérature féministe, la philosophie et les sciences sociales, qui ont posé l'objectification comme modèle psychologique testable empiriquement ; ce modèle a influencé la psychologie sociale du genre et a fait l'objet de nombreuses études visant à tester ses prédictions[6],[7] (mi septembre 2025, l'article de 1997 qui présente cette théorie a été citée plus de 9 300 fois par des études ou ouvrages en sciences humaines et sociales)[8]. Histoire et origines du concept![]() La notion d'auto-objectivation découle de celle d'objectivation, qui trouve des origines lointaines, en occident notamment, dans les discours de justification de la prostitution et de l'esclavage notamment ; et l'auto-objectification a notamment des origines dans la réflexion philosophique et sociologique des XVIIIe et XIXe siècles. Immanuel Kant développe dès 1797 dans la Métaphysique des mœurs une critique de l'objectification sexuelle, en affirmant que traiter autrui comme un simple moyen de satisfaire un désir revient à nier sa dignité rationnelle et son autonomie morale[9]. Selon lui, l'objectification survient quand l'autre est réduit à un « objet d'appétit », utilisé pour combler un besoin sexuel, ce qui rompt l'unité entre corps et personne. Par exemple, les relations sexuelles hors mariage ou monnayées illustrent cette instrumentalisation, où la personne n'est plus considérée comme une fin en soi mais comme un moyen. Bien que Kant n'ait pas formulé le concept d'auto-objectification, sa philosophie fournit un cadre éthique et conceptuel qui éclaire les dérives contemporaines de la perception de soi sous l'influence du regard social. Des analyses plus contemporaines, comme celles d'Evangelia Papadaki, montrent que les idées kantiennes sur l'objectification influencent encore les critiques modernes de la sexualisation et de la marchandisation du corps, en particulier émises par Catharine MacKinnon, Andrea Dworkin et Martha Nussbaum, notamment dans les débats sur la pornographie, la prostitution et les normes de genre[10]. Karl Marx prolongera d'une autre manière l'analyse kantienne, dans les Manuscrits de 1844, en montrant comment le travail salarié et les échanges marchands aliènent l'être humain et l'objectifient, en réduisant son existence à une valeur d'échange[11]. Au XXe siècle, dès 1902, le sociologue Charles Horton Cooley formule le concept de « soi miroir » (looking glass self (en)), selon lequel l'image de soi se façonne via la perception que l'on imagine que les autres ont de nous (approbation, désapprobation), conduisant l'individu à internaliser ces jugements et les normes de l'ordre social, et à ajuster son comportement en conséquence (le miroir reflète les attributs physiques, et ce reflet permet aux femmes de se voir comme les autres les voient ; il invite à se détacher de soi pour s'observer, une attitude qui toucherait beaucoup plus les femmes que les hommes ). Ce mécanisme explique comment l'intériorisation de ces projections peut se traduire par une auto-objectivation du corps et de la personne et comment elle est étroitement liée à l'estime de soi ou à la honte de soi ou de son corps[12]. Simone de Beauvoir décrit en 1949 le « dédoublement » des femmes, conscientes de leur corps sous le regard social, processus d'auto-objectivation par lequel elles intègrent les normes de la féminité[13], quand une fille devient femme, elle se dédouble : au lieu de coïncider exactement avec elle-même, elle existe aussi à l'extérieur. Autrement dit, une grande partie de la conscience des femmes est utilisée par des préoccupations relatives à leur apparence physique. Cela pourrait en conséquence interrompre leurs activités au quotidien. Simone de Beauvoir explique que, dès leur plus jeune âge, la société apprend aux filles que pour plaire il faut qu'elles cherchent à le faire : « il faut se faire objet », car c'est la société et ses coutumes qui définissent et imposent aux femmes la notion de féminité ; dans la société occidentale, quand une femme est regardée, elle perçoit qu'elle peut être à la fois jugée, respectée et désirée pour son apparence. Puis John Berger, dans Ways of Seeing (1972), analyse la manière dont les représentations visuelles, notamment dans la peinture européenne classique puis dans la publicité, construisent la femme comme objet du regard masculin. Il montre que les femmes, sont souvent représentées non comme des sujets autonomes, mais comme des figures passives, conscientes d'être observées, et dont l'apparence est mise en scène pour être jugée ou désirée. Cette dynamique, que Berger qualifie de « regard masculin » (male gaze), contribue à une forme d'objectification où la femme intériorise le regard extérieur et se perçoit elle-même comme un spectacle-objet à offrir[14] ; et dans les années 1980, Karen Horney pointe les dimensions psychosexuelles de l'objectification, en critiquant la réduction de la féminité aux notions freudiennes d'« envie du pénis » et de masochisme féminin, et en montrant comment les normes culturelles de dépendance et de séduction renvoient les femmes à une position d'objet sexuel[15],[16]. En 1995, la philosophe Martha Nussbaum propose une taxonomie des formes d'« objectification » (instrumentalisation, déni d'autonomie, réduction à l'apparence, etc.)[17], que Rae Langton enrichira en 2009 par les dimensions de réduction au corps, à l'apparence et au silence[18]. Enfin, en 1997, la théorie de l'objectification sexuelle de Barbara Fredrickson et Tomi-Ann Roberts introduit plus explicitement le concept d'« auto-objectivation », décrivant l'intériorisation du regard d'autrui, qui conduit à surveiller et contrôler son corps selon des critères esthétiques et normatifs, avec des impacts prouvés sur la santé mentale des femmes (« dépression unipolaire, dysfonctionnement sexuel et troubles de l'alimentation »)[19]. Cette théorie explique aussi « pourquoi les changements dans ces risques de santé mentale semblent se produire au même rythme que les changements du cours de la vie dans le corps féminin »[19]. Les expériences des femmes et leur socialisation incluent des situations d'objectification sexuelle (fait d'être traité comme un corps ou des parties de corps essentiellement jugés par les autres en fonction d'un intérêt sexuel)[20], et ce dans les relations interpersonnelles comme dans les médias. Dans les relations interpersonnelles, elle se manifesterait lorsque des hommes posent un regard sexualisé sur les femmes. Mais ce regard « objectifiant » se manifesterait également dans les médias où le corps des femmes est davantage mis en scène que celui des hommes[21]. En fait, en ce qui concerne les hommes, les médias ont tendance à mettre l'accent sur leur visage et leur tête plutôt que sur leur corps. Cela soutiendrait l'idée que le corps des femmes serait plus souvent envisagé comme étant capable de les représenter que celui des hommes[22]. En 2006, Kozee et Tylka (2006) montrent que ce phénomène est atténué chez les femmes lesbiennes, suggérant que l'orientation sexuelle influence les effets psychologiques de l'auto-objectification[23]. L'auto-objectificationLa théorie de l'objectification suggère donc que les filles et les femmes s'auto-objectifient en intériorisant le regard des autres sur leur propre corps. Celles-ci, sous l'effet de la pression sociale et des normes de beauté exigeantes codifiées par la société[24], se sentiraient dès lors obligées de modifier leur apparence physique, au point parfois de se mutiler (Robin Wollast et al., 2020) donne l'exemple du bandage des pieds pratiqué en chine jusqu'au xxe siècle, du port de corsets baleinés suffoquant et déformant le corps, de lourds colliers-spirales, de tatouages, ou le choix de régimes alimentaires stricts ou d'opérations de chirurgie esthétique). La théorie de l'auto-objectification soutient l'idée que les individus pensent à leur propre corps et l'évaluent en fonction d'un point de vue à la troisième personne, plutôt que d'un point de vue à la première personne (ce dernier point de vue se centrerait sur les attributs privilégiés ou non observables : « De quoi suis-je capable ? », « Comment est-ce que je me sens ? » ; tandis que le point de vue à la troisième personne se centrerait sur des attributs physiques observables : « De quoi ai-je l'air ? »)[22]. De nombreuses recherches ont montré que l'apparence physique peut influencer la réussite (des femmes notamment) dans de nombreux domaines (obtention d'un emploi, popularité, regard des autres, opportunités de mariage, socialisation, etc.)[25] Pour ces raisons, Unger[26] soutient que la beauté physique chez une femme constitue une forme de pouvoir. Il s'agirait en fait d'un capital qui conditionne le succès social et économique d'une femme. Ce conditionnement différerait suivant l'appartenance des femmes concernées et suivant les "goûts" en vogue au sein de la culture dominante. Il est important de souligner que des études empiriques ont démontré que l'impact de l'auto-objectification persistait au-delà de la situation objectifiante immédiate[27]. L'auto-objectification trait et l'auto-objectification étatDeux types d'auto-objectification peuvent être différenciés :
Comme les gens pourraient intérioriser le regard des autres sur leur corps à des degrés divers, la théorie de l'objectification prédit des différences individuelles relativement stables au niveau de l'auto-objectification. Cela signifie que certaines personnes sont plus censées être préoccupés de manière chronique par rapport à leur apparence que les autres. Il s'agit de l'auto-objectification trait[Quoi ?]. Cela se retrouverait davantage chez les femmes que chez les hommes. Cette forme d'auto-objectification peut être évaluée à l'aide de questionnaires, notamment grâce au questionnaire d'auto-objectification (SOQ)[28] ou à la sous-échelle de surveillance du corps de l'échelle de conscience corporelle objective (OBC[29] en version adulte et OBC-Youth[30] en version adolescente). La théorie de l'objectification prédit également que l'auto-objectification pourrait être déclenchée et amplifiée dans certaines situations. À ce propos, Fredrickson, Roberts, Noll, Quinn et Twenge[22] citent l'étude sociologique de Gardner[31]. Cette recherche a montré que les corps des femmes faisaient plus l'objet de commentaires évaluatifs de la part des autres dans des situations publiques, mixtes et non structurées. Ainsi, les gens seraient plus à même de s'auto-objectifier dans des situations augmentant leur prise de conscience du regard des autres sur leur corps. Il s'agit ici de l'auto-objectification état. Celle-ci peut être évaluée au moyen de la tâche de complétion de phrases de Fredrickson, Roberts, Noll, Quinn et Twenge[22]. En lien avec ceci, une autre étude a mis en évidence l'influence de ces situations d'objectification sexuelle sur un autre « état », celui de l'estime de soi[32]. Selon cette étude, plus les femmes subiraient ces situations objectifiantes, plus leur estime de soi état serait basse dans les rapports sociaux. Conséquences de l'auto-objectification chez les femmesConséquences subjectivesL'auto-objectification a des conséquences directes chez les femmes : elle peut augmenter les émotions négatives comme la honte ou l'anxiété, mais aussi inhiber l'état de flow (état de profonde concentration, permettant d'être efficient dans une tâche difficile) et/ou diminuer l'intéroception. La honteDescription de la théorie![]() La honte peut résulter d'une auto-évaluation négative de soi par rapport à un idéal culturel interne non atteint[33],[34], un idéal correspondant généralemnet aux exigences de la société. Selon Fredrickson et Roberts[20], à force d'être exposées à des corps féminins idéalisés constituent un idéal inatteignable pour la très grande majorité des femmes, ces dernières en viendraient à ressentir de la honte[35]. Ce phénomène serait amplifié par l'auto-objectification lorsque les femmes intériorisent le regard d'autrui. Ce dernier n'est pas neutre en ce qu'il adhère généralement aux idéaux de beauté culturellement partagés. Les femmes concernées peuvent alors vouloir échapper au regard d'autrui, au risque d'un isolement social, source sentiments de dévalorisation de soi et d'impuissance[33],[34],[36]. Pour Lewis[34], la honte a une fonction adaptative car elle modifie ou inhibe certains aspects du comportement qui dysfonctionnent. La honte corporelle amènerait donc les femmes à consacrer beaucoup d'efforts pour embellir leur corps et leur apparence : faire du sport, porter des vêtements élégants, utiliser des artifices cosmétiques voire la chirurgie esthétique, développer des troubles des conduites alimentaires, autant d'efforts qui sont les signes d'une honte permanente. Si cette honte est intense et envahissante, elle peut détériorer les états de conscience et diminuer la capacité de concentration et de vie sociale. L'envie de vouloir modifier son corps est ainsi guidée par la honte. Plaire grâce à un beau corps devient presque une obligation morale; ne pas y arriver est un facteur insidieux d'exclusion sociale. Étude empiriqueFredrickson et ses collègues[22] ont mené une expérience aux États-Unis auprès d'étudiants (garçons et filles) de l'université du Michigan. Pour commencer les étudiant(e)s ont rempli un questionnaire d'auto-objectification (les classant en « faible » et « fort » pour leurs traits d'objectification. Ils ont ensuite été testés individuellement en laboratoire en devant essayer un vêtement dans une cabine d'essayage individuelle où se trouvait un miroir. Dans un cas c'était un maillot de bain une pièce, dans une autre d'un pull à col en V. Une fois le vêtement porté, chaque participant répondait à des questions mesurant la honte vis-à-vis de son corps. L'expérience a confirmé que l'essai d'un maillot de bain amenait à se définir soi-même au travers de son corps (état d'auto-objectification) et cela de façon identique chez les hommes et chez les femmes, l'expérience rendant les hommes plus timides et moins sûr d'eux. Les hommes relativement obèses se préoccupaient plus de leur apparence que les autres hommes. L'état d'auto-objectification, les traits d'auto-objectification sont donc liés au sentiment de honte corporelle quel que soit le genre. Mais l'état d'auto-objectification semble avoir un effet surtout chez les femmes, et en particulier lorsqu'elles ont des niveaux élevés du trait. Chez les hommes, on n'observe qu'un effet de l'auto-objectification-trait. Des études menées au sujet de l'allaitement au sein montrent également un effet de l'auto-objectification. Une étude a été menée sur des femmes enceintes avec peu de revenus, a montré que la honte, la surveillance du corps et l'auto-objectification peuvent amener à considérer l'allaitement non pas comme quelque chose de positif pour l'enfant mais comme quelque chose d'embarrassant pour la femme[37]. L'anxiétéDescription de la théorieL'anxiété est une émotion ressentie quand on anticipe un danger ou des menaces ; elle se différencie de la peur par des menaces plus ambigües[38],[39]. Nous savons de quoi nous avons peur mais nous ne savons pas toujours ce qui nous angoisse. L'angoisse peut se manifester par des tensions motrices, de la vigilance et par le fait de vouloir inspecter tout son environnement[40]. Être une femme dans une culture qui fait du corps féminin un objet générerait de l'anxiété et les pousserait à se monter particulièrement vigilantes. Même si Fredrickson et Roberts conçoivent l'auto-objectification comme un « trait de personnalité », les conséquences subjectives ne doivent pas être considérées comme des aspects inévitables et chroniques de l'expérience des femmes. L'expérience des femmes est variable et dépendante du contexte. Parfois, ce dernier peut protéger les femmes des répercussions négatives de l'objectification. Deux types d'anxiété peuvent être distingués en fonction du contexte :
Ne pas savoir comment son corps va être évalué ou perçu par les autres peut créer une anxiété se manifestant par le fait que l'on vérifie ou que l'on ajuste son apparence. La femme devrait dès lors sans cesse faire preuve de vigilance au sujet de sa sécurité et son apparence (ne pas trop exposer les parties de son corps tout en montrant qu'elle se sent à l'aise dans sa manière de s'habiller). Beneke[41] note que certains violeurs perçoivent les femmes physiquement attirantes comme une menace, jugeant alors qu'elles méritent une punition. Face à un tel profil, la peur du viol peut imprégner tous les aspects de la vie des femmes, qui toutes pourraient être victimes de violences sexuelles. Elles doivent trouver des stratégies de défense contre l'anxiété (ex : vérifier deux fois la serrure, tenir ses clés entre les doigts, amener son chien pour faire du jogging, ne pas sortir seule ou quand il fait noir, faire semblant de ne pas entendre l'inconnu qui leur adresse la parole en rue, etc. Les hommes, quant à eux, se sentent moins menacés. Étude empiriqueQuelques études ont empiriquement testé les liens entre auto-objectification et anxiété, concluant à un lien très clair par rapport à l'anxiété liée à l'apparence, mais pas par rapport à celle relative à la sécurité. Selon Dion et Keelan[42], parmi 300 étudiants (garçons et filles), les filles manifestaient plus d'anxiété concernant leur apparence que les garçons ; et leur anxiété était inversement corrélée à leur estime de soi, mais positivement corrélée à timidité, tendance à l'évitement, à la détresse sociale et à la conscience de soi publique. Une autre étude a aussi trouvé une corrélation avec des antécédents de remarques désobligeantes sur leur apparence, une apparence qu'elle jugeait insatisfaisante dans l’enfance et le fait de déclarer ne pas sortir ou avoir une relation hétérosexuelle au lycée[42]. De plus, la mode féminine accentuerait cette tendance à l'anxiété vis-à-vis de l'apparence. Par exemple, en cas de port d'un décolleté, elle doit veiller à ce que ses seins soient bien maintenus et ni trop ni trop peu visibles, tout en donnant l'impression de se sentir parfaitement à l'aise dans les vêtements qu'elle porte. Le flowDescription de la théorieD'autres conséquences subjectives de l'auto-objectification concerneraient les états motivationnels et la qualité de vie. Csikszentmihalyi a décrit un état de motivation qu'il dénomme le flow[43],[44]. Ce flow, ou flux, se produirait quand le corps ou l'esprit d'une personne atteindrait ses limites lors d'un effort volontaire destiné à accomplir une tâche difficile ou valorisée. Il serait en fait une des principales sources des expériences optimales, c'est-à-dire ces rares moments au cours desquels une personne se sent vivre pleinement, hors du contrôle des autres, créative et joyeuse. L'expérience du flow améliorerait la qualité de vie. Mais comme une culture objectifiante amènerait les femmes à surveiller leur corps, elles ne pourraient pas ressentir et maintenir ce flow, ces états motivationnels à leur maximum. De ce fait, leur qualité de vie en pâtirait[20]. L'objectification entraverait ce flow par deux biais :
Il semblerait en effet que les activités d'une femme soient interrompues lorsque les autres personnes prêtent attention à l'apparence ou aux fonctions de son corps. Les études ont montré que, dès l'école primaire, les activités féminines sont plus souvent interrompues par les garçons que l'inverse, que ce soit en salles de classe ou dans les cours de récréation[45]. Ces interruptions sont souvent reliées à des « polluants » fictifs associés aux corps des filles. Elles sont également mêlées à des sous-entendus directs sur l'hétérosexualité, attirant l'attention sur leur apparence, leur poids ou le développement de leur poitrine[46],[47],[45]. En outre, pour que le flow se réalise, il faudrait que la personne perde la conscience de soi[44]. Mais l'auto-objectification amènerait les femmes à intérioriser le regard des autres sur leur corps. En conséquence, cela créerait une forme de conscience de soi, empêchant de ce fait la survenue du flow et diminuant la qualité de vie[20]. Étude empiriqueÀ ce sujet, une expérience a été menée par Dorland[48]. L'expérience a porté sur un échantillon d'athlètes féminins d'ethnies différentes issu de deux universités aux États-Unis. Le but de la recherche était d'évaluer les liens entre l'auto-objectification et le flow ainsi qu'entre l'auto-objectification et le type de sport pratiqué mais aussi d'évaluer l'influence du type de sport sur la relation entre l'auto-objectification et le flow. Pour ce faire, les participants à l'étude ont été amenés à remplir différents questionnaires. Les résultats de cette étude ont montré un lien entre un degré élevé d'auto-objectification et un faible flow. Cependant toutes les corrélations n'ont pas été vérifiées. En outre, d'autres recherches ont été menées en vue de tester les liens entre l'auto-objectification et les performances mentales (en mathématiques) chez des étudiants et étudiantes américains[22] ainsi qu'entre l'auto-objectification et les performances attentionnelles chez des femmes américaines[49]. En ce qui concerne la performance mentale, l'étude a été réalisée au moyen d'un questionnaire à choix multiples. Pour ce qui est de l'attention, les chercheurs ont eu recours au test de Stroop afin d'évaluer le temps de réaction pour nommer la couleur dans laquelle étaient écrits trois types d'items :
Mais avant de réaliser ces épreuves, les participants ont à chaque fois été amenés à réaliser une expérience consistant à se vêtir soit d'un maillot de bain, soit d'un pull à coll en V. Le but du port du maillot de bain était d'induire une situation d'auto-objectification. Les résultats de ces études ont montré que l'auto-objectification perturbait la performance mentale des femmes, entraînant de ce fait de plus faibles ressources attentionnelles. L'hypothèse de cette baisse des ressources attentionnelles pourrait être que les sentiments éprouvés dans des situations d'auto-objectification pourraient amener les femmes à scinder leur attention entre leur apparence et la tâche. Et cette division de l'attention pourrait entraver la joie ressentie par les femmes grâce à leurs activités quotidiennes car celles-ci ne pourraient plus totalement se plonger dans leurs processus[44]. Ces résultats présentent toutefois certaines limites dues aux échantillons pris en compte. L'intéroceptionDescription de la théorieDe nombreuses études suggèrent qu'en l'absence d'indices contextuels, les femmes détecteraient moins précisément les sensations physiologiques que les hommes[50],[51],[52],[53]. Cela renvoie au concept de l'intéroception. Elles pourraient, dès lors, moins utiliser ces indices corporels. En fait, l'objectification du corps féminin pourrait amener les femmes à maintenir leur attention sur leur apparence. Cela diminuerait ainsi les ressources perceptives nécessaires pour prêter attention aux expériences physiques internes[20]. Selon McKinley et Hyde[29], le souci que l'on porte à l'apparence provient essentiellement des processus d'auto-objectification et de la surveillance du corps. Cette surveillance du corps est considérée comme une composante de la conscience du corps objectifié. L'auto-objectification et la surveillance du corps engendreraient de la honte par rapport à son corps, de l'anxiété et une réduction ou une interruption du processus d'intéroception[20]. La honte du corps est une émotion qui pourrait résulter du dénigrement de son corps par rapport à l'idéal standardisé de la culture que la personne a précédemment intériorisé. Quant à l'anxiété, elle renverrait à l'anticipation des critiques et à la peur de la manière dont on va être évalué. Donc ce que l'on nomme intéroception renvoie à la capacité à détecter ses propres sensations physiologiques, comme par exemple la sensation de faim, d'excitation sexuelle, etc.[6]. Étude empiriqueIl n'existe toujours pas d'étude ayant testé les effets de l'auto-objectification sur l'intéroception. Conséquences sur la santé mentaleÊtre une femme dans une culture qui objectifie le corps féminin peut avoir des incidences négatives sur les expériences subjectives des femmes et des hommes. Ces expériences négatives peut s'accumuler et gravement affecter la santé mentale, des jeunes filles et des femmes notamment : la dépression, des troubles sexuels et des troubles des conduites alimentaires sont les conséquences les plus citées de la honte de son propre corps[20]. Un moyen, général, de protection/prévention semble être la capacité individuelle d'auto-compassion (compassion envers soi-même ou « self-compassion » pour les anglophones), qui peut modérer voire compenser les effets délétères de l'auto-objectivation. Ce phénomène a par exemple été décrit en 2015, par Liss et Erchul chez de jeunes femmes universitaires au vu de divers indicateurs de santé mentale (insatisfaction corporelle, symptômes dépressifs, comportements alimentaires à risque), les auteurs concluant une attitude bienveillante envers son propre corps peut protéger contre le mépris de soi et les troubles psychologiques associés à l'intériorisation du regard d'autrui. DépressionDescription de la théorie![]() Comme signalé précédemment, l'objectification sexuelle favoriserait un dédoublement de « soi », accompagné par de la honte et de l'anxiété récurrentes et peut-être incontrôlables. Associées à des possibilités réduites de plaisir, ces expériences constitueraient une des causes fondamentales de certaines dépressions chez les femmes[20]. D'abord, en se basant sur les travaux sur les modèles cognitifs de la dépression et sur la théorie de l'impuissance apprise[54],[55],[56],[57], Fredrickson et Roberts[20] ont suggéré que le corps d'une femme générerait une multitude de sentiments d'impuissance, ce qui pourrait aussi provoquer la dépression. En fait, la théorie de l'impuissance apprise suggère que la dépression apparaîtrait lorsque les gens attribuent leurs défauts à des causes internes, stables et globales. Pour Fredrickson et Roberts, la honte et l'anxiété liées au corps seraient difficiles à surmonter car le corps ne peut pas être transformé dans son intégralité. Cela pourrait contribuer au fait que de nombreuses femmes apprennent à se sentir impuissantes non seulement pour corriger leurs défauts physiques mais aussi pour contrôler les réactions des autres par rapport à leur apparence physique. Parallèlement, Carver et Scheier[58] considèrent que les problèmes qu'on ne peut résoudre et contrôler rapidement, à l'image des défauts physiques, sont généralement susceptibles d'entraîner de l'attention centrée sur soi. Ce type d'attention se traduit habituellement sous la forme d'inquiétudes et de ruminations. Des études empiriques ont mis en évidence leurs capacités à prolonger les épisodes dépressifs[59],[56]. Ainsi pour les filles et les femmes, le corps serait la source de beaucoup d'inquiétudes et d'un manque de contrôle influençant leur santé mentale. En outre, selon le modèle comportementaliste de Lewinsohn[60], les femmes seraient exposées à des risques plus élevés de dépression car elles vivraient peu d'expériences positives de leur propre initiative. Dans ce modèle, le fait de vivre peu d'expériences positives de sa propre initiative supprimerait les comportements actifs, ce qui induirait alors un déficit motivationnel typique de la dépression. Sur cette base, Fredrickson et Roberts[20] ont postulé que les femmes bénéficieraient d'un contrôle moins direct sur de nombreuses expériences positives qu'elles vivent puisque leurs perspectives relationnelles et de carrière dépendraient souvent de l'évaluation que les autres font de leur apparence. D'où le fait que les femmes seraient exposées à la dépression. Études empiriquesPar ailleurs, les liens entre l'objectification et la dépression ont été mis en évidence via de nombreuses recherches. Dans leur revue de la littérature, Moradi et Huang[6] font référence à plusieurs études[61],[62],[63] indiquant des relations entre chaque variable de la théorie de l'objectification (honte, anxiété, flow, intéroception) et les symptômes dépressifs. Ces études ont été conduites soit auprès d'échantillons de filles adolescentes d'ethnies différentes, soit auprès de femmes universitaires blanches. Les résultats de ces recherches ont permis de constater des liens entre l'auto-objectification et la surveillance du corps avec la honte corporelle, les symptômes des troubles des conduites alimentaires (notamment la boulimie), une estime de soi plus faible et surtout avec les symptômes dépressifs. Mais Moradi et Huang[6] précisent que ces études comportent une importante limite : un manque d'homogénéité entre leurs procédures. Globalement d'autres recherches[64],[65],[66] ont également tenté d'étudier les effets de la honte corporelle sur la relation entre l'auto-objectification et la dépression. Elles ont confirmé l'influence de la honte corporelle sur les relations entre l'auto-objectification et les symptômes dépressifs. Ces résultats ont par ailleurs été confortés par une étude longitudinale de Grabe et ses collègues[67]. L'étude a été réalisée sur une période de deux ans et portait essentiellement sur des filles blanches. En outre, les études de Tiggemann et Kuring[66] et de Szymanski et Henning[65] ont indiqué un possible effet de l'anxiété due à l'apparence, combinée au flow et à l'intéroception, sur le lien entre l'auto-objectification et la symptomatologie dépressive. Toutefois selon Moradi et Huang[6], les résultats de ces différentes études sont à considérer avec précautions vu la faible diversité des sujets composant les échantillons étudiés, le manque d'homogénéité au niveau des outils utilisés, etc. Dégradation de la sexualité ; troubles sexuelsL'auto-objectification sexuelle dégrade l'agentivité sexuelle — c'est-à-dire la capacité à exprimer ses désirs, à poser ses limites et à agir librement dans les interactions sexuelles[69]. Aspects théoriquesSous la pression du regard d'autrui, l'attention peut se focaliser sur apparence corporelle dans une auto-objectification qui diminue la conscience de ses propres besoins, et réduit la capacité à initier ou refuser des scripts sexuels ou certains actes sexuels, avec comme conséquence une moindre satisfaction sexuelle, une vulnérabilité accrue face aux pressions sociales, et une difficulté à négocier le consentement[69]. L'objectification sexuelle contribue aux pratiques d'oppression sexuelle, telles que le harcèlement sexuel, les violences conjugales ou les agressions sexuelles, dont les femmes sont davantage victimes que les hommes[70],[71],[72]. Selon certaines études, plus d'un tiers des différences de genre dans la dépression pourraient s'expliquer par ce type d'expériences[73],[74],[75]. L'auto-objectifiation peut être source de troubles sexuels. Les femmes déclarent d'ailleurs ressentir plus d'insatisfaction sexuelle dans leurs relations que les hommes[76]. Selon Hyde[77], les troubles sexuels chez les femmes sont tellement fréquents que cela en devient une norme. Ces troubles peuvent s'expliquer de plusieurs façons :
Études empiriquesDes études ont porté sur les liens pouvant exister entre l'auto-objectification, la prise de décision sexuelle (choix de scripts sexuels, capacité à dire non, etc.) et les comportements sexuels. L'une, chez de jeunes adolescentes a démontré que l'auto-objectification peut avoir des effets négatifs sur de nombreuses expériences sexuelles, amener à un sentiment d'inefficacité à agir sur ses propres besoins sexuels, et par exemple faire ressentir une honte dans l'utilisation du préservatif[81]. Lors d'entretiens individuels, les adolescentes ayant un faible niveau d'auto-objectification discutaient plus facilement de sexualité que celles qui avaient un niveau d'auto-objectification plus élevé. Ces dernières allaient même jusqu'à exprimer des regrets au sujet de leurs rapports sexuels[82]. La théorie de l'auto-objectification abordant également cette notion de honte, des chercheurs ont investigué ses liens avec les troubles sexuels ou (en 2005) avec le contexte des menstruation (après que « des découvertes récentes aient établi un lien entre la honte menstruelle et des niveaux plus faibles d’activité sexuelle et des niveaux plus élevés de risque sexuel ») Une étude (2024) conclut que renforcer l'agentivité sexuelle — par l'éducation, la valorisation du corps vécu et la déconstruction des normes objectifiantes — est un levier essentiel pour le bien-être sexuel et pour la prévention des violences sexuelles[69]. Trouble des conduites alimentairesDescription de la théorie![]() L'auto-objectification peut également entraîner des troubles des conduites alimentaires chez les femmes. 90 % des cas de troubles des conduites alimentaires concernent la boulimie ou l'anorexie[85]. Tout comme les troubles sexuels, les préoccupations des femmes au sujet de leur poids sont si répandues que l'on peut les considérer comme une norme[86]. Le poids est alors source de honte corporelle et de culpabilité liées au poids[87]. Différentes causes pourraient expliquer ces troubles alimentaires : l'anorexie et la boulimie sont des moyens radicaux qui permettent aux femmes de manipuler leur corps afin d'atteindre l'idéal de la minceur[86]. Vomir ou restreindre son alimentation amène un sentiment de minceur et de contrôle de son corps. Ces sentiments permettraient d'atténuer l'insatisfaction corporelle, la « honte corporelle » et la dépression [88]. Malheureusement, cela conforterait les femmes dans leurs troubles des conduites alimentaires. Un contexte de racisme peut exacerber l'auto-objectification et la honte corporelle sources fréquente de trouble alimentaire[89]. Les troubles des conduites alimentaires pourraient également être perçus comme une manière de protester contre un régime patriarcal. Cela expliquerait les différences entre les femmes et les hommes au sujet des troubles alimentaires. Ayant moins de pouvoir que les hommes à influencer par l'action, les femmes utiliseraient la seule chose qu'elles peuvent manipuler : leur corps. Selon Orbach[90], l'obésité pourrait être considérée comme une réponse en opposition à un rôle social imposé aux femmes. Par exemple, la femme doit se comporter et agir d'une certaine manière parce qu'elle est une femme. S'affamer pourrait aussi être considéré comme une stratégie permettant d'empêcher le corps de se développer et donc de passer à l'âge adulte[91],[92]. Selon Steinder-Adair[93], les adolescentes utiliseraient leur corps pour exprimer une rébellion. Elles jeûneraient pour ne pas entrer dans un monde d'adulte qui ne défend pas les valeurs féminines, l'entraide et l'interdépendance. Études empiriquesDes recherches ont été menées à propos de la relation entre la honte de son corps et les troubles des conduites alimentaires. Les résultats de ces recherches ont montré que l'auto-objectification pouvait amener à avoir honte de son corps et que cette honte pouvait elle-même mener à des troubles des conduites alimentaires[28]. Par exemple, la honte chez un échantillon de jeunes femmes universitaires les amène à vouloir changer de corps à l'aide de la chirurgie esthétique et en contrôlant leur poids[94]. Une étude menée au Canada sur un échantillon de femmes de divers horizons ethniques a révélé que la honte de son propre corps, sa surveillance et le sentiment de contrôle de ce dernier, poussaient ces femmes à manger plus ou moins que la moyenne pour supprimer leurs sentiments négatifs envers elles-mêmes[95]. Pour exemple, une expérience[96] a été menée sur des jeunes femmes ayant des troubles du comportement alimentaire tels que l'anorexie, la boulimie et des vomissements volontaires. Ces femmes ont complété des questionnaires qui abordent les sujets suivants : l'auto-évaluation, l'auto-objectification, la honte, l'influence des médias et la recherche de la minceur. Les résultats de cette enquête ont démontré que l'auto-objectification avait une influence sur chaque sujet abordé par les questionnaires. L'auto-objectification pousse les femmes à rechercher la minceur. Il ressort également que les médias encouragent les femmes vers cette quête de la minceur. Enfin, en 2010 Tiggemann[97] a publié une étude réalisée sur des adolescents australiens des deux sexes. Les participants ont complété un questionnaire qui reprend les sujets suivants : la surveillance du corps, la honte, l'anxiété et les troubles alimentaires. Les résultats ont montré que les filles avaient des résultats supérieurs dans tous ces domaines à ceux des garçons. Néanmoins, il est ressorti que les garçons étaient également concernés par l'objectification. La théorie de l'auto-objectification concerne donc les deux sexes. Auto-objectification variant au cours de la vieDans la prime enfance« Dès leur plus jeune âge, les femmes de la société occidentale sont exposées à des médias présentant des normes de beauté idéalisées et irréalistes (Wolf, 1991)[35], et subissent des pressions de beauté exacerbées par la culture de consommation (Rhode, 2010)[98] »[69]. Ensuite, selon Fredrickson et Roberts[20], deux périodes dans la vie de la femme sont déterminantes dans le processus d'auto-objectification :
À l'adolescenceÀ la suite des changements corporels survenant à l'adolescence, la jeune fille apprend que son corps ne lui appartient pas totalement : elle découvre qu'elle est souvent vue et évaluée par les autres comme un corps, et non comme une personne à part entière [46]. Par exemple, selon une étude menée par Martin [99], les jeunes filles ressentent un jugement sexualisé de la part des hommes et des garçons lié à la taille de leur poitrine. À cet âge, les premières expériences d'objectification sexuelle entraîneraient les conséquences suivantes :
L'intériorisation de l'idéal de minceur ne débute pas à l'adolescence mais dès les premières années de vie : Calogero, Witherington et Smith[100] ont étudié les stéréotypes et l'idéal de minceur chez les filles d'âge préscolaire (âgées de 3 à 5 ans) provenant du sud-ouest des États-Unis. A partir de tâches utilisées pour évaluer les stéréotypes du corps féminin, les chercheurs ont mis en évidence quatre faits significatifs :
À la quarantaineLe risque pour la santé mentale semble diminue progressivement après la quarantaine, et plus particulièrement avec la ménopause[104]. Selon Fredrickson et Roberts[20]. Les femmes d'âge moyen auraient deux choix : tenter de rester jeunes à tout prix et accepter de continuer à être objectifiées ; ou arrêter d'intérioriser le point de vue d'autrui et éviter les situations d'objectification. Dans ce dernier cas, on devrait observer :
De ce fait, à cet âge, les femmes auraient donc l'occasion de mieux se réaliser, en étant soustraites au regard objectifiant porté sur leur corps. Études empiriquesUne étude longitudinale sur dix ans de McKinley aux États-Unis[105] a recueilli des données auprès d'étudiants majoritairement blancs et de leurs mères (en 1993 et en 2003) pour tenter de comparer deux variables : le niveau de surveillance du corps, et la honte du corps entre les deux groupes (Étudiants vs. mères). Durant la première période de recueil de données, les étudiantes avaient un plus haut niveau de surveillance et de honte envers leur corps que les étudiants et les femmes d'âge moyen[106]. Et lors de la seconde étape, les différences de genre à propos de la surveillance et de la honte du corps persistaient[105], mais les différences entre étudiantes et femmes d'âge moyen avaient disparu, ce qui évoque une réduction significative de la surveillance du corps chez les ex-étudiantes et de la honte du corps entre les deux étapes de l'étude[106]. Cela confirme donc les prédictions de la théorie. L'auto-objectification chez les hommesDepuis le milieu des années 2000, les hommes expérimentent de plus en plus l'auto-objectification, notamment avec les injonctions publicitaires et l'émergence d'une presse masculine (concernant la mode masculine, la santé et le fitness, comme les magazines Men's Health ou GQ par exemple), venue s'ajouter aux traditionnels magazines de charme, revues automobiles et sportives, d'armes et de chasse, etc. Selon Morry et Staska (2001, les magazines de fitness, plus encore que les magazines de mode, participent à l'auto-objectification masculine[108]. Pour cette raison, bien que les hommes ne soient pas les premiers concernés par la théorie de l'objectification, des recherches portent sur l'expériences de l'auto-objectification masculines. De nombreux auteurs ont montré que le niveau d'auto-objectification (et de surveillance du corps et de honte corporelle) est moins élevé chez les hommes et les garçons que chez les femmes et les filles[109],[110],[111],[30],[112],[107],[105]. Mais la Recherche met en évidence des effets pour partie comparables à ceux observés chez les femmes, avec notamment une corrélation entre l'auto-objectification, la surveillance du corps, la honte corporelle et une moindre estime de soi et de son corps, avec moins de comportements préservant la santé chez les hommes[30],[112],[107],[105],[113]. Comme chez les femmes, des effets de honte corporelle et d'anxiété sont liée à l'apparence et au degré de surveillance du corps et à des troubles de conduites alimentaires[66]. C'est aussi le cas concernant la honte corporelle, l'apparence et le plaisir sexuel : les hommes ressentant de la honte au sujet de leur corps sont plus soucieux de leur apparence, et rapportent éprouver moins de plaisir sexuel[114]. Outre une moindre niveau général d'auto-objectification chez les hommes, les études pointent des différences par rapport aux femmes ; en particulier, l'auto-objectification dépend moins de l'insatisfaction par rapport à leur propre corps chez les hommes[115]. Et la honte corporelle montre moins d'effet sur les liens entre la surveillance du corps et les symptômes de la dépression chez les hommes[67]. Les données disponible confirment l'influence des processus d'objectification et d'auto-objectification chez les hommes, mais ceux-ci ne s'expriment pas toujours de la même façon que chez les femmes (mais par rapport à la dépression, l'étude de Tiggemann et Kuring[66] a tout de même mis en évidence le rôle du flow.), et ces résultats sont encore à considérer avec prudence, car commme le soulignent Moradi et Huang[6], les échantillons masculins testés sont souvent plus petits que ceux constitués de femme, et ce fait n'est pas toujours statistiquement bien bris en compte. Notes et références
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